Le barrage de la Rance va être remplacé par un pont suspendu
Le pont suspendu entre Dinard et Saint-Malo sera mis en service et inauguré en 2042.
L’ouvrage, qui comprendra 4 voies pour le trafic automobile jumelées à des passerelles piétonnes et des pistes cyclables, marque aussi la fin du démantèlement de l’usine marémotrice de la Rance et le retour de la souveraineté de la Nature dans l’estuaire de la Rance, après 60 années d’une exploitation industrielle aussi chimérique qu’écocide.
La présence du Président de la République est annoncée auprès des élus locaux, des associations de riverains et des milliers de curieux qui attendent ce moment depuis des décennies. Seuls les représentants de la SEF brilleront par leur absence. Nulle doute que les années de bataille juridique qui ont abouti à l’obligation de démantèlement de l’usine et à l’obligation de financement du nouvel ouvrage par la CJUE, laissera des traces dans l’histoire de la Société d’Electricite Française.
Le barrage de la Rance est un projet qui a débuté dans les années 1960. Le Général de Gaulle était venu inaugurer l’usine marémotrice de la Rance. L’usine était un fleuron de la production électrique française, elle montrait autant un savoir-faire qu’elle positionnait haut la France sur l’échiquier industriel mondial. En 1960, il importait davantage de prouver son niveau de développement industriel que son implication dans la sauvegarde de la nature. Or de nature il fut fi, aucune étude d’impact écologique, aucune considération, aucune préoccupation écologique pour l’ouvrage et son exploitation n’avait alors traversé l’esprit des concepteurs.
Chronique d’une catastrophe écologique annoncée
La première catastrophe écologique fut la construction du barrage elle-même. Le barrage a été construit entre 1961 et 1966. Cette opération s’inscrit dans la politique gaullienne de grands travaux. Sa construction imposera de fermer le fleuve en l’isolant avec des plots en béton reliés entre eux pour mettre à sec l’espace de construction. Pendant 3 ans, l’estuaire deviendra un lac artificiel sans marnage et avec le seul flux d’une vidange opérée tous les 15 jours pour évacuer la faune et la flore mortes suite aux perturbations que le barrage générait sur leur écosystème. En effet, faune et flore de l’estuaire vivaient au rythme des marées avec une variation du niveau de la mer allant jusqu’à plus de 12 mètres. L’arrêt brutal de ces mouvements d’eau pendant 3 ans a été le premier coup de semonce porté à leurs rythmes biologiques. Il s’en ai ensuite suivi un marnage artificiel créé pour les besoins de l’usine, sans aucune relation non plus sur les rythmes biologiques, réduit de 7 mètres par rapport au marnage naturel. Ajoutez à cela un fort changement de la salinité de l’estuaire et vous comprendrez facilement que c’est tout l’écosystème marin de l’estuaire qui a été détruit lors de la construction de l’ouvrage. Il faudra une dizaine d’années pour qu’apparaisse et se stabilise un nouvel écosystème totalement différent de celui qui s’y trouvait auparavant.

La modification de l’écosystème, de la faune et de la flore n’ont pas été les seuls impacts. Il y en a un plus visible qui a coûté des centaines de millions d’euros : l’envasement de l’estuaire. Le ralentissement des flux d’eaux a eu la conséquence d’accroître très fortement la densité en sédiments marins et voir ainsi la zone navigable se réduire progressivement jusqu’à ce que des sommes très importantes d’argent public soient régulièrement investies dans des programmes de désenvasement. Régulièrement, face à des plans de financement trop lourds pour la France, c’est à l’Europe qu’il a fallu faire appel, au nom du caractère unique de l’ouvrage dans la production électrique mondiale (Cf article Les Echos 2019). Une lutte contre la nature sans fin et très coûteuse qui relativise très fortement le coût du kw produit par l’usine marémotrice. L’avènement de l’intelligence artificielle dans l’utilisation de l’électricité aura été fatal à sa rentabilité.
Le rendement de l’usine aura d’ailleurs toujours été discuté, d’abord pour son intermittence, puisque la production n’était pas continue mais réduite à 25% du temps en fonction des marées. La production annuelle était en moyenne de 500 millions de KWatts. C’est 20 fois moins que la production de l’usine nucléaire de Fessenheim pour un coût de production du MWatt trois fois supérieur (source IFRAP)
100 emplois supprimés, 1000 emplois créés
Pendant toute la durée d’exploitation, pro et anti se sont continuellement opposés. Les pro défendant une usine unique en Europe (un aspect unique qui s’explique peut-être par un mauvais retour d’expérience), une origine renouvelable et naturelle, sans déchets, un rendement de 500 GigaWatts/an, une centaine d’emplois. Les anti dénonçant une catastrophes écologiques pour les raisons déjà évoquées, une production intermittente, un coût du kilowatt très élevé au regard des frais d’entretien de l’usine et du fleuve. Aujourd’hui avec son démantèlement, ce sont 100 emplois directs qui seront à terme supprimés, mais des milliers qui seront créés grâce aux investissements touristiques et industriels (notamment dans l’industrie nautique) sur les bords de Rance. Déjà de nombreux projets de port ont été évoqués. Face au manque de places sur la côte maritime, c’est une véritable aubaine pour de nombreux ports de bords de Rance qui voient naître des projets d’aménagements touristiques et portuaires qui apporteront une nouvelle dynamique sur leurs rivages.
Peut-on dompter la Nature, jusqu'à la rendre malade ?
Fin 2045, la mer pourra remonter jusqu’à Saint-Suliac comme c’était le cas avant 1960. Avec le retour des marées et le désenvasement naturel qu’elles entraîneront, la Richardais, Plouer-sur-Rance, le Minhic retrouveront leur plage de sable. La circulation des bateaux ne sera plus entravée, et ils vogueront désormais librement sous le “Golden Gate” de la Rance, tournant une page malheureuse de son histoire qui aura été cependant riche d’enseignements : L’homme n’est pas un Dieu surpuissant. Il n’y a pas de démonstration de force industrielle ni de prétexte écologique qui peuvent justifier d’entraver un fleuve et bouleverser un écosystème, en modifiant avec des plots en béton ce que la Nature a créé en plusieurs milliers d’années, pour satisfaire ses besoins fussent-ils énergétiques.
Les conséquences ont été désastreuses mais avec le temps la Nature les réparera et la Rance cicatrisera de ce garrot artificiel. Profitons désormais de ce bras de mer qui s’ouvre à nous, et célébrons ensemble ce retour à la vie dans l’estuaire de la Rance.
Tu l’as compris, cet article est un article fiction, mais les sources et les chiffres sont bien réelles. Il n’est pas prévu de construire un viaduc sur la Rance, et encore moins de démanteler l’usine marémotrice. Tu veux réagir à cet article fiction ? Partage le sur les réseaux
Sources :
IFRAP : https://www.ifrap.org/agriculture-et-energie/retour-dexperience-dune-energie-renouvelable-lusine-maremotrice-de-la-rance Les Echos https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/leurope-appelee-au-secours-de-lusine-maremotrice-de-la-rance-1006345 Ecole Normale Supérieure https://www.geographie.ens.psl.eu/les-mecanismes-a-l-origine-d-une.html EDF https://www.edf.fr/usine-maremotrice-rance/Produire%20de%20l%27%C3%A9nergie%20renouvelable